Donnés par Louis Jouvet entre novembre 1939 et décembre 1940 au Conservatoire, ses cours s’articulent autour de scènes fondatrices du théâtre. Ils ont été rassemblés dans l'ouvrage « Molière et la comédie classique » et constituent un matériau inépuisable pour le travail du jeu et de direction d’acteur. [...] Jouvet livre aussi ses réflexions sur le comportement du
comédien et de la comédienne dans la pratique de son métier.
Avec ce spectacle, Lisa Guez se penche sur le premier chapitre consacré à Alceste, personnage aussi fascinant que complexe du « Misanthrope » de Molière [...] Elle propose au public l’expérience inédite et jubilatoire de suivre ces ébauches d’interprétation, d’entrer dans la cuisine du jeu et dans les coulisses du travail sur une grande scène du répertoire.
ON NE SERA JAMAIS ALCESTE
d'après Molière et la comédie classique de Louis Jouvet
adaptation et mise en scène Lisa Guez
DU 21 NOV 2024 AU 5 JANV 2025 au SUTIO-THÉÂTRE
REPRISE
Lisa Guez. Je devais avoir 18 ou 19 ans. En classe préparatoire option théâtre, j’ai dû lire plusieurs ouvrages sur la théorie théâtrale dont deux de Louis Jouvet, ses cours rassemblés dans Molière et la comédie classique ainsi que Le Comédien désincarné. J’en avais gardé un souvenir très fort. En parallèle, j’ai vu le film documentaire sur la pièce de Brigitte Jaques-Wajeman, Elvire Jouvet 40, l’adaptation d’un chapitre de ses cours consacré au rôle d’Elvire qui m’a bouleversée par son propos et son esthétique.
Je pense que ce qui m’a passionnée dans les cours, c’est autant la recherche sur l’acteur que la tentative jamais totalement probante des élèves, « échouer, échouer encore, échouer mieux »
Lisa Guez. Je suis touchée par la quête de ce professeur qui avait une vision absolue du personnage et un rapport presque mystique au texte et à l'auteur. Ce n’est pas exactement ma vision car je travaille souvent en écriture de plateau avec les comédiennes et comédiens, dont l’imaginaire est force de propositions, mais je trouve sa foi dans la pureté du texte fascinante. Pour Jouvet, une certaine pratique du texte peut permettre de communier avec le sentiment premier déposé par l’auteur au moment de l’écriture. Ainsi, et par la diction, on peut retrouver le sentiment avec de grands auteurs tels que Racine ou Molière. Je crois qu’il a transformé la fragilité de son bégaiement en un endroit de force qu’il a voulu transmettre à ses élèves. Je suis également sensible au cœur qu’il met à la pédagogie, à la question de la transmission des fondamentaux du théâtre et à l’exigence qu’il impose à ses élèves. Certains éléments restent marqués dans une époque ou appartiennent à sa propre recherche, mais, pour évoquer certains fondamentaux devant des personnes qui débutent dans l’art théâtral, il m’arrive de reprendre des phrases ou des idées inspirées des formules de Jouvet. Il fait partie d’un panthéon qui nourrit et questionne ma pratique comme Bertolt Brecht, Constantin Stanislavski, Maria Knebel ou Anatoli Vassiliev.
Lisa Guez. Un cours est un document réel avec des moments de longueur et une absence de dramaturgie. Nous avons voulu, avec Alexandre Tran qui m’accompagne pour la dramaturgie, mettre l’accent autant sur le maître que sur les élèves. Or dans ce premier chapitre consacré à Alceste, leur parole est rare. Gardant en tête le souci d’une certaine organicité et souhaitant nous nourrir exclusivement de ce qui s’est déroulé pendant les cours – qui sont d’une incroyable richesse – par souci de cohérence de ton, nous avons repéré à d’autres endroits du même ouvrage, des moments d’échange qui pourraient correspondre à la scène du Misanthrope et nous les avons intégrés.
Lisa Guez. D’abord, je pense le spectacle très drôle ! L’innocence et l’enfance que convoquent les trois comédiens quand ils se remettent dans la peau d’élèves inexpérimentés est jouissive. Le public a un accès exclusif à la cuisine des acteurs en répétition. Il pénètre dans un espace de travail ; il est un élève qui assiste au cours. Sur le plateau, il y a quelques costumes suspendus et des accessoires. Les élèves peuvent les utiliser mais en réalité ils ne le font pas. Tout ce qui relève de la théâtralité est mis de côté, l’acteur est au cœur de la séance. La première parole de Louis Jouvet est : « Il n’y a pas besoin de mise en scène. » Tout est centré sur le jeu, sur l’acteur qui fait naître le théâtre.
Lisa Guez. Un spectacle est une pensée partagée. Je travaille de manière collégiale aussi bien avec les acteurs qu'avec la créatrice lumière Lila Meynard qui pense l’espace et l’esthétique ou le dramaturge Alexandre Tran. J'ai besoin que les acteurs soient profondément en phase avec ce qu'ils ont à défendre. Pour cette création, j’ai eu la chance de travailler avec trois comédiens au bagage théâtral immense et qui avaient expérimenté la transmission en donnant eux-mêmes des cours. À partir d’une première version, nous avons construit la matière avec eux, en y ajoutant ce qui nous interpellait et qui pouvait les émouvoir dans la comédie classique. Nous avons voulu tracer un chemin qui puisse réunir toutes les générations.
Lisa Guez. Partant du postulat qu’on ne sera jamais Alceste et qu’on ne pourra jamais toucher le personnage, il en découle qu’on ne sera jamais Jouvet non plus, devenu lui aussi une figure dans notre panthéon théâtral. Bien que Gilles David, Didier Sandre et Dominique Parent – qui reprend le rôle créé par Michel Vuillermoz en 2022 – soient des pairs capables d’interpréter aussi bien Louis Jouvet qu’Alceste et Philinte, il n’en demeure pas moins que chacun possède une autorité et une parole différente. Or le contexte du cours est très hiérarchisé et assez éloigné de la collégialité. Les élèves se retrouvent parfois dans une grande fragilité face à l’autorité et à la parole cinglante de Jouvet. La permutation des rôles entre les comédiens permet de passer le relais du pouvoir et de montrer certaines déclinaisons ou nuances. Aucun comédien n’aborde le rôle de Jouvet de la même manière, on alterne la douceur et la fermeté avec des moments de grande colère. Personne ne tentera d’imiter sa diction singulière, on entendra plutôt son obsession de la perfection avec sa propre énergie. Dans cette même scène du Misanthrope, ce n’est pas la même énergie qui se dégage selon que Gilles David interprète Alceste face à Dominique Parent en Philinte et Didier Sandre en Louis Jouvet ou bien que Dominique soit Alceste, Didier en Philinte et Gilles en Louis Jouvet. Et il m’a semblé que demander à des comédiens accomplis de se mettre dans la peau d’élèves d’une vingtaine d’années qui se trompent ou peinent à maîtriser leur souffle, c’est à cet endroit que se situe la pure composition.
Lisa Guez. Je n’irais pas jusqu’à dire que Jouvet était misanthrope mais j'ai la sensation qu’il partageait une forme de mélancolie avec Alceste. Par ailleurs, l’intransigeance de ce dernier devant les compromis et les bassesses rejoint l’exigence de Jouvet pour un idéal absolu du métier d’acteur. Enfin, Jouvet répète inlassablement que les personnages ont des existences bien supérieures aux nôtres. Alceste est son héros qu’il place sur un piédestal si élevé qu’il n’ose pas l’approcher et ne s’autorise pas à le jouer.
Lisa Guez. La Mort de Danton de Büchner est une pièce que j’aime énormément. Je lui ai consacré un mémoire et j’en ai vu plusieurs mises en scène qui, à chaque fois, ne m’ont pas totalement convaincue. L’idée même de la monter un jour me terrorise même si je sais qu’au fond de moi c’est un rêve. Je crains que celui-ci ne voie jamais le jour. En réalité, la perfection ne peut s’incarner concrètement et la recherche d’un horizon qui ne cesse de reculer est permanente. Voilà pourquoi la démarche de Louis Jouvet me touche.
Entretien réalisé par Oscar Héliani
On ne sera jamais Alceste
STUDIO
Les ventes pour la seconde partie de la saison - représentations de mars à juillet 2025 - ouvriront en deux temps :
JEU 16 JANV à partir de 11h
achat des places aux tarifs Cartes 2024-2025
MER 22 JANV à partir de 11h
achat des places pour tous les publics individuels et les groupes
Le calendrier sera disponible fin décembre sur notre site Internet. Les réservations pour les Cartes et les Individuels se feront uniquement sur Internet et par téléphone au 01 44 58 15 15.
Les chèques-cadeaux sont disponibles sur notre site Internet, par téléphone au 01 44 58 15 15 et aux guichets de la Salle Richelieu.
D'une valeur de 30 €, 50 € et 80 €, les chèques-cadeaux vous permettent d'offrir des places de spectacles dans nos trois salles (Salle Richelieu, Théâtre du Vieux-Colombier, Studio-Théâtre) et des entrées pour les visites individuelles (familles ou historiques) de la Salle Richelieu.
Ils ne constituent pas une place : toute personne détentrice d’un chèque-cadeau devra au préalable effectuer une réservation, dans la limite des places disponibles.
Les chèques-cadeaux 2024-2025 sont valables pour les représentations et les visites de décembre 2024 jusqu'au 14 janvier 2026. Ils ne sont pas remboursables.
En raison du renforcement des mesures de sécurité dans le cadre du plan Vigipirate « Urgence attentat », nous vous demandons de vous présenter 30 minutes avant le début de la représentation afin de faciliter le contrôle.
Nous vous rappelons également qu’un seul sac (de type sac à main, petit sac à dos) par personne est admis dans l’enceinte des trois théâtres de la Comédie-Française. Tout spectateur se présentant muni d’autres sacs (sac de courses, bagage) ou objets encombrants, se verra interdire l’entrée des bâtiments.